SST et vague de froid : quand l'hiver teste vraiment vos procédures

Chaque hiver, on redécouvre avec un étonnement feint que le froid n'est pas qu'un sujet météo, mais un risque professionnel bien réel. En entrepôt, sur chantier, dans les transports, le Sauveteur Secouriste du Travail devient le garde‑fou concret face à l'hypothermie, aux chutes et aux malaises aggravés par la vague de froid.

Quand le thermomètre chute, les accidents changent de visage

Les épisodes récents de froid intense ont déjà montré leur capacité à désorganiser les entreprises : routes verglacées, quais de chargement glissants, ateliers mal chauffés, fatigue accrue. Le problème n'est pas tant un « grand froid exceptionnel » qu'une accumulation de petites négligences quotidiennes.

En France, les recommandations officielles insistent sur l'évaluation du risque thermique, mais sur le terrain, on continue souvent à improviser : on distribue quelques vestes, on bricole un chauffage d'appoint, et l'on espère que tout tiendra jusqu'au printemps.

Le SST, vigie de terrain face aux effets du froid

Un SST correctement formé n'est pas seulement un exécutant de protocoles : c'est celui qui voit, avant les autres, que quelque chose se dérègle.

Reconnaître les signaux faibles

Face au froid, les premiers signes d'alerte sont subtils :

  • gestes plus lents, maladresses inhabituelles ;
  • mains engourdies, difficulté à manipuler les outils ;
  • trous de concentration, irritabilité inhabituelle ;
  • fatigue anormale en fin de poste.

Dans un centre logistique francilien, un SST nous racontait comment il avait évité un accident majeur : un cariste, raide de froid, multipliait les accrochages minimes sans s'en rendre compte. Avant qu'un choc sérieux ne survienne, le SST a imposé une pause, déclenché une réorganisation temporaire des flux, et obtenu un renfort de chauffage sur zone. Ce n'est pas spectaculaire, mais c'est exactement cela, la prévention vivante.

Agir vite en cas d'hypothermie ou d'engelures

Les gestes de secours en période de froid ont leurs spécificités. En formation, on insiste notamment sur :

  • la nécessité de mettre la victime à l'abri du vent et de l'humidité le plus tôt possible ;
  • le réchauffement progressif, sans exposition brutale à une source de chaleur ;
  • la protection des extrémités (mains, pieds, visage) ;
  • la surveillance rapprochée de l'état de conscience et de la respiration.

Un sauveteur secouriste du travail formé à ces situations saura faire la différence entre « un collègue qui a juste froid » et une situation qui exige un appel urgent aux secours.

Vague de froid et organisation des postes : les angles morts classiques

Le froid ne touche pas tout le monde de la même façon. Les salariés exposés en extérieur ou dans des locaux faiblement chauffés sont évidemment en première ligne : manutentionnaires sur les quais, chauffeurs, agents de sécurité, techniciens de maintenance, etc.

Mais on oublie souvent :

  • les employés qui font des allers‑retours fréquents intérieur/extérieur ;
  • ceux qui travaillent à proximité de portes automatiques s'ouvrant sans cesse ;
  • les équipes de nuit, pour qui le froid est plus intense et la vigilance déjà plus fragile.

Une mise en conformité sérieuse passera par l'identification de ces postes, et par une adaptation ciblée des formations SST : scénarios de chute sur verglas, malaise sur parking, accident de circulation interne dans des conditions météo dégradées.

Cas d'usage : l'entrepôt frigorifique qui croyait « être habitué »

Dans un entrepôt frigorifique d'Île‑de‑France, on pourrait croire que le froid est « géré » par nature. EPI adaptés, procédures rodées, temps d'exposition contrôlés… jusqu'à ce que survienne un hiver plus rude que les précédents.

Les accès au site deviennent verglacés, les zones tampons entre stockage froid et quais se refroidissent au‑delà des prévisions, et les vestiaires ne suffisent plus à réchauffer les équipes entre deux rotations. Deux chutes graves en moins d'une semaine, des arrêts maladies en série, des tensions sociales.

C'est en renforçant le rôle des SST que la situation a basculé :

  • mise en place de rondes de vigilance dédiées aux zones glissantes ;
  • signalement systématique des spots critiques via un canal interne ;
  • adaptation en temps réel des temps de pause et des rotations d'équipe ;
  • intégration de scénarios « chute + hypothermie » dans le recyclage MAC SST.

En quelques semaines, le sentiment d'impuissance a reculé. Le froid n'avait pas disparu, mais il devenait gérable, parce que pris au sérieux.

Adapter la formation SST aux réalités hivernales de vos sites

Concrètement, comment faire entrer l'hiver dans vos formations ? En refusant les sessions hors sol, génériques, qui prétendent valoir pour tous les climats et toutes les configurations.

Des cas pratiques alignés sur vos conditions météo

Un bon organisme de formation SST travaillera sur place, avec vos contraintes :

  1. cartographie des zones sensibles en période de froid (escaliers extérieurs, rampes, quais, accès parkings) ;
  2. construction de scénarios réalistes : chute en sortie de véhicule, malaise sur zone non chauffée, accident à proximité d'un portail d'accès ;
  3. rappel des conduites à tenir spécifiques au froid, intégrées aux autres protocoles de secours ;
  4. implication des encadrants pour ajuster ensuite l'organisation du travail.

La saisonnalité devient ainsi un fil conducteur de la pédagogie, et non une note de bas de page.

Ne pas oublier les trajets domicile‑travail

L'hiver, nombre d'accidents graves surviennent en trajet, avant même que les salariés n'atteignent leur poste : sorties de route, chutes sur trottoir, intoxications au monoxyde de carbone dans des véhicules mal entretenus. Certes, cela dépasse le strict périmètre du SST, mais le sujet mérite d'être abordé en formation.

Parler de pneus hiver, de covoiturage, de marges de temps supplémentaires, ce n'est pas « sortir du rôle ». C'est reconnaître qu'une politique de prévention digne de ce nom regarde la réalité en face, y compris celle des déplacements.

Un hiver pour tester votre culture de prévention

Au fond, une vague de froid est un stress test grandeur nature pour vos procédures. Vos SST sont‑ils identifiés, présents sur les bons créneaux, réellement formés à ces situations ? Vos managers savent‑ils adapter les objectifs et les plannings quand la météo bascule ? Vos salariés osent‑ils dire « là, on n'est plus en sécurité » sans être taxés de frilosité ?

Si la réponse est floue, ce n'est pas une fatalité. Profitez justement de cette période pour enclencher quelque chose de plus structuré : un audit de vos risques climatiques, une mise à jour de vos plans, une montée en puissance progressive de vos sauveteurs secouristes du travail. Et gardez en tête cette idée simple : ce qui tient debout en plein hiver, tient généralement le reste de l'année. Le contraire, en revanche, est plus rare.

À lire également